Aujourd'hui, nous avons la joie de partager avec vous l'interview écrite du célèbre artiste, Brain Damage, qui nous a accordé un peu de son temps.
Vous trouverez beaucoup d'informations sur l'artiste : son new album, son équipe, son processus créatif..!
Très bonne lecture à vous tous !
1 - Initialement pourquoi as-tu choisi ce nom de scène ?
Brain Damage : "C’est le nom que j’avais choisi en premier lieu pour une émission de radio consacrée au dub que j’animais au tout début des années 1990. J’ai choisi de le garder pour mon projet musical quelques années plus tard. Il vient tout simplement d’un morceau de Pink Floyd qui date des années 1970, sans doute en référence à mon attirance pour de nombreux courants musicaux issus de cette époque là".
2 - Peux-tu définir ce qu'est le "dub", pour les internautes qui ne connaissent pas ce type de son ?
Brain Damage : "Les années 1970, toujours et encore… une poignée de producteurs jamaïcains aventureux créent le dub : version hybride et instrumentale dérivée du reggae, alors à son apogée. En perpétuelle mutation depuis, le style revêt des couleurs différentes, selon les artistes qui se l’approprient grâce leurs influences, leurs origines et le matériel qu’ils utilisent".
3 - Quel "dub" proposes tu à ton public ?
Brain Damage : "Pour ma part, je me permets d’explorer depuis des années de nombreuses facettes de ce style. Mes différentes productions ont pu être tour à tour teintées d’influences anglaises, jamaïcaines, parfois urbaines, électro, conceptuelles. L’idée étant de ne jamais proposer deux fois la même chose, tout en gardant ce fil conducteur qu’est le dub".
4 - Peux-tu nous parler de ton équipe et de Jarring Effects ?
Brain Damage : "Jarring est un partenaire précieux qui me fait confiance sur chacun de mes projets et qui travaille artisanalement tout comme moi.
Mais la présence d’autres partenaires est également primordiale, c’est en l’occurrence le cas d’Artik Unit, qui assure la gestion des tournées et une part importante du management, mais aussi de Yes High Tech pour l’administration. Je travaille également avec le même graphiste, 642, depuis le début. Enfin, sur la route, je ne voyage jamais seul, mais toujours entouré d’une équipe technique (régie, son, lumière et video)".
5 - D'où t'es venue cette volonté de faire ta propre musique ?
Brain Damage : "J’ai voulu faire de la musique tout simplement parce que j’en écoutais beaucoup. Rien de révolutionnaire. J’avais juste le sentiment d’avoir des choses à dire par ce biais, et pas mal de plaisir à y prendre. Ça fait plus de vingt ans que ça dure.
Bien entendu, au départ, il n’a jamais été question d’en faire mon métier, on m’a d’ailleurs toujours bien expliqué que ce n’était pas possible…".
6 - Quelles sont les valeurs indispensables qui guident ta vie musicale, et qui sont inchangées depuis le départ de Raph ?
Brain Damage : "Toujours exactement les mêmes. Le goût de la prise de risque, du mouvement perpétuel, de la remise en cause. Du travail et de la rigueur également".
7 - Qu'est-ce qui exacerbe ton processus créatif ? Y a t'il des lieux où de méthodes qui te permettent d'intensifier ta créativité pour créer tes œuvres musicales ?
Brain Damage : "Je travaille principalement dans mon studio, dans lequel je passe quasiment tout mon temps quand je ne suis pas sur la route ou en famille. J’y suis seul et n’aime pas être dérangé… L’atmosphère y est calme et confinée, ce qui contraste avec les tempêtes émotionnelles que je traverse quand je suis sur la route, en France comme à l’étranger, en particulier quand je travaille en collaboration avec d’autres artistes. A la maison, j’essaie de prendre le temps de digérer ce que m’apportent toutes ces rencontres et tous ces déplacements".
8 - Comment expliques tu tous ces changements dans tes œuvres ? As-tu besoin de nouveautés dans l'expression de cette passion qu'est la musique ?
Brain Damage : "Je suis apparemment incapable de faire deux fois la même chose. J’ai besoin de mouvement. Ce n’est pas toujours facile parce que je sais que je perds l’attention d’un grand nombre de gens à chacun de mes virages. Mais d’autres s’y intéressent alors. Je pense du coup que ce fait contribue grandement à la longévité de Brain Damage".
9 - Que préfères tu dans ton métier ?
Brain Damage : "Un grand sentiment de liberté. Je fais principalement ce que je veux, quand je veux, avec qui je veux… quel luxe ! … et quel combat également ! …"
10 - Sur scène, comment te sens-tu ? Incarnes tu un personnage ?
Brain Damage : "Si je suis plutôt un faux calme dans la vrai vie, c’est bien sûr différent sur scène, ou je me sens malgré tout également moi-même. C’est un état particulier. Je comprends que certains peuvent trouver l’ensemble un peu surjoué, mais je ne sais pas faire autrement. Mais ça tombe plutôt bien, j’apprécie pour ma part voir quelque chose de vivant sur une scène, ce qui manque un peu parfois quand les gens y travaillent avec des machines."
11 - Quelles sont les 2 plus belles scènes que tu aies faites ? Pourquoi ?
Brain Damage : "Impossible de répondre, après des centaines de dates, dans des dizaines de pays…"
12 - Est-ce toujours facile d'allier vie professionnelle et vie personnelle quand on a beaucoup de succès comme toi ? Quelles sont les difficultés qu'empruntent les futures générations ?
Brain Damage : "Connu, je ne le suis de pas tant de monde que ça. Le dub, de manière générale est une musique de niche, pas un phénomène populaire. Quant à allier vie familiale et professionnelle, c’est une question d’organisation et de discipline, étant bien entendu que je n’entend sacrifier aucune des deux. Par ailleurs, j’ai peu de conseils à donner aux gens qui voudraient faire ce métier, le contexte général dans lequel nous évoluons me parait assez instable, et bien malin est celui qui peut dire comment les choses vont se passer ne serait-ce que dans les deux ans à venir…"
13 - Vis-tu bien ta musique ? Pourquoi est-ce difficile de vivre du dub, aujourd'hui, en France ?
Brain Damage : "J’en vis, c’est déjà incroyable. Et sans compromission. Mon salaire n’est pas somptueux, mais j’habite une petite ville de province, et je ne dépense pas grand chose. Depuis toutes ces années, je n’ai croisé que très peu de gens qui veulent volontairement faire vraiment de l’argent avec ce style de musique. C’est avant tout un milieu de passionnés. Mais il est possible d’en vivre, nous sommes tout de même quelques uns. Je répète que le dub est une musique de niche."
14 - Peux-tu nous parler un peu du documentaire ? Son importance ? Sa réalisation ?
Brain Damage : "L’ensemble du projet comporte trois volets. L’album original tout d’abord, "Walk the Walk", dont une partie a été réalisée en Jamaïque pour une série de rencontres avec cinq des légendes qui ont fait le reggae dans les années 1970- 1980, qui comporte 10 morceaux chantés.
Lors de ces sessions jamaïcaines, j’étais accompagné d’un vidéaste réalisateur, Wasaru, qui s’est chargé de la confection d’un documentaire, c'est une sorte de making off de l’album, entrecoupé de témoignages parfois poignants des artistes rencontrés là-bas. Il est disponible en ligne depuis quelques temps, ou sous la forme d’un dvd, accompagnant l’album dub "Talk the Talk" qui vient de sortir, troisième volet du projet, qui est la déclinaison dub de l’album original."
15 - En combien de temps "Talk the Talk" a vu le jour ?
Brain Damage : ""Talk the Talk" est la dernière des trois étapes du projet, que j’ai voulu complet, et ce dès le début. Le tout représente environ deux ans de travail."
16- Pourquoi avoir choisi ce titre et non un autre pour ce nouvel opus ? Est-ce que les mots ont un pouvoir ?
Brain Damage : "Les mots ont évidemment un pouvoir, revendicatif, ou esthétique.
L’expression anglaise "talk the talk / walk the walk" signifie joindre le geste à la parole. Je vous laisse méditer là dessus."
17 - Comment as-tu sélectionné les chanteurs qui sont sur tes morceaux ? Y avait-il des critères : de voix, et/ou des affinités, ou est-ce par apport à ce qu'ils avaient à dire ?
Brain Damage : "J’ai la chance d’avoir pour ami depuis 20 ans le jamaïcain Sam Clayton, sans qui rien n’aurait été possible. C’est lui qui m’a ouvert les portes du mythique Harry J studio à Kingston. Nous ne savions pas, lui comme moi, avant d’être sur place, avec qui nous allions travailler. Le seul cahier des charges était de se concentrer sur la génération de chanteurs qui ont fait l’âge d’or du reggae dans les années 1970. Nous avons donc dû aviser sur place au gré des rencontres et des disponibilités de chacun. Le résultat est saisissant : Horace Andy, Willi WIlliams, Kiddus I, Winston Mc Annuf et Ras Michael sont tous des légendes qui ont marqué leur époque."
18 - Qu'ont apporté ces chanteurs que tu ne peux pas créer par toi-même, et offrir aux fans de ta musique ?
Brain Damage : "Je ne suis ni chanteur, ni jamaïcain moi-même. Donc pour ce projet, qui entend rendre hommage aux sources de la musique que je prétends développer à mon humble niveau, la participation de ces artistes était donc primordiale. Grâce à leur contribution, l’ensemble à pu atteindre une autre dimension."
19 - Pourquoi est-ce Father Wee Pow qui pose sa voix en début des 13 titres ?
Brain Damage : "Father Wee Pow est lui aussi une légende. Il a créé Stone Love à Kingston, le plus vieux sound system encore en activité, en 1972. Je voulais solliciter un artiste qui puisse introduire chacune des versions dub de l’album "Talk the Talk", à la manière vintage jamaïcaine. Wee Pow m’a fait l’honneur de le faire brillamment, ce qui est unique, et totalement inédit. J’ai bien souvent la volonté de chercher, pour mes collaborations, des gens que l’on ne voit pas déjà partout."
20 - Comment as-tu fait les différents niveaux de superpositions vocales sur "Talk the Talk" ?
Brain Damage : "L’essentiel des morceaux de "Talk the Talk" sont des déclinaisons dub des morceaux de "Walk the Walk". On y retrouve donc des bribes de voix chantées, issues des versions originales. Mais j’ai voulu également y ajouter une dimension supplémentaire. Lors de mon séjour à Kingston, nous nous sommes permis avec Sam Clayton d’interviewer les légendes avec qui nous étions en session. Une partie de ces moments uniques apparaît dans le documentaire de Wasaru évoqué tout à l’heure. J’en ai également utilisé certains bouts sur les versions dub, sous forme donc de spoken word, ce qui donne plus de relief, de vie et de sens à chacun des mix."
21 - Y a t'il une part de philosophie ou de spiritualité dans "Talk the Talk" ?
Brain Damage : "Comme dans chacun de mes albums, j’ai voulu donner un cadre, et un sens spécifique à "Walk the Walk". J’ai donc demandé aux artistes sollicités d’évoquer leur enfance, leur éducation, tant pour les textes qu’ils ont écrit pour l’occasion, que dans les interviews qui ont suivi les sessions au studio. Il s’en suit toute une réflexion sur l’éducation, dans le cadre d’une Jamaïque post-coloniale des années 1960. Mais ces gens sont également très religieux, donc immanquablement, leur spiritualité transparaît régulièrement dans leurs propos."
22 - Que penses-tu de la société actuelle et des ses problèmes ?
Brain Damage : "Seuls la culture et l’éducation nous sortiront de l’abîme dans lequel nous sommes en train de sombrer."
23 - Comment arrives-tu à apposer cette particularité artisanale dans ton son ? Est-ce que ta musique est en quelques sortes une façon de résister aux dictâtes ?
Brain Damage : "Je me considère, en effet, comme un artisan. J’essaie à chaque fois d’allier forme et fond, esthétique et propos. Ça me permet dans chaque processus de création de m’évader, mais aussi de réfléchir. C’est ce que j’essaie de transmettre depuis toutes ces années."
24 - Quels sont tes projets musicaux à venir en tant que show man, producteur et compositeur ?
Brain Damage : "Je dois m’arrêter de tourner quelques semaines pour travailler sur le prochain projet, dont je dois garder les détails pour moi pour le moment. Je reprendrai la route dès le mois de janvier pour continuer à défendre "Talk the Talk / Walk the Walk" sur scène."
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